Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit un durcissement des peines de prison liées à la répression de la contrebande, une proposition vivement critiquée par Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux. Cette mesure ne s’inscrit pas dans une approche globale de lutte contre ce phénomène et sert les intérêts des barons de l’importation, a estimé Ben Amor lors de sa déclaration à Tunibusiness.
Des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison
Le projet de loi de finances pour 2025 propose d’augmenter le minimum et le maximum des peines de prison pour les délits de première catégorie. Ainsi, la peine minimale passerait de 16 jours à 6 mois, tandis que la peine maximale serait portée de 1 mois à 2 ans.
Pour les délits de deuxième catégorie, le projet de loi prévoit également un relèvement des peines, avec un minimum de 2 ans au lieu de 3 mois, et un maximum de 3 ans au lieu de 1 an.
Ben Amor : Une proposition qui cible les petits trafiquants
Romdhane Ben Amor estime que le durcissement des peines pour la contrebande ne fait pas partie d’une stratégie globale de l’État tunisien visant à intégrer l’économie informelle et à lutter contre la contrebande.
“En examinant ces dispositions, on constate qu’elles ciblent principalement les petits trafiquants”, a-t-il affirmé, s’interrogeant sur les raisons de cette augmentation alors que la contrebande est déjà criminalisée par la loi.
Il a dénoncé le ciblage des petits trafiquants opérant aux frontières est et ouest du pays, la plupart d’entre eux transportant des produits de première nécessité tels que l’huile, le sucre et le café, alors que le pays connaît une pénurie de ces marchandises.
“Nous sommes pour sanctionner toute personne qui enfreint les lois de l’État tunisien et nuit à l’économie, mais il est important que cela se fasse dans le cadre d’une approche globale qui ne cible pas uniquement les parties les plus vulnérables du système de contrebande, laissant de côté d’autres secteurs où la contrebande est plus importante et les sommes d’argent en jeu également. Ce durcissement profite donc aux barons de l’importation”, a ajouté Ben Amor.
Aggravation de la corruption aux frontières
Le phénomène de la contrebande s’est intensifié dans les zones frontalières ces dernières années, sans que l’État ne propose de véritables alternatives pour l’éradiquer, et le projet de loi de finances pour 2025 ne constitue pas non plus une solution efficace pour lutter contre le marché parallèle et l’intégrer dans l’économie formelle, a déclaré Ben Amor.
Il a prédit que l’absence de solutions alternatives pour réduire la contrebande entraînerait des répercussions sociales dans un avenir proche, notamment une augmentation des tensions sociales dans les régions frontalières et un recours accru aux solutions individuelles, dont l’émigration clandestine.
Ben Amor a estimé que le durcissement des peines de prison pour la contrebande ouvrirait davantage la voie à la corruption dans les zones frontalières. Toute personne se rendant en Algérie ou en provenance de ce pays, même légalement, mais transportant une quantité supplémentaire de produits de base, recourrait à tous les moyens pour éviter les sanctions.
Dans ce contexte, le porte-parole du Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux a souligné que des dizaines de citoyens tunisiens sont détenus en Algérie pour contrebande en raison de quantités supplémentaires “ne dépassant pas une bouteille d’huile ou quelques kilos de sucre”, car les sanctions y sont extrêmement sévères.