La santé du secteur immobilier en Tunisie est actuellement dans un état critique, et les chiffres récents ne laissent aucun doute sur les défis majeurs auxquels il est confronté. La promotion immobilière, le bâtiment, et les travaux publics, autrefois moteurs de la croissance économique, sont aujourd’hui en crise, impactant négativement l’économie nationale et la vie quotidienne des Tunisiens.
Les indicateurs financiers des entreprises cotées en bourse révèlent une réalité alarmante. Au cours du dernier semestre, le résultat des entreprises du bâtiment et des matériaux de construction a chuté de 52,1%. La Société immobilière tuniso-saoudienne (Sits) a enregistré une baisse de 65,88%, tandis qu’Essoukna a vu son bénéfice de deux millions de dinars se transformer en une perte de plus de 1,5 million de dinars.
Les données de l’Institut national de la statistique (INS) ne sont guère plus encourageantes. Le secteur du bâtiment a connu une contraction de 9,9% en 2022 et de 5,4% au deuxième trimestre 2023. La production nationale de ciment a chuté de neuf à cinq millions de tonnes, illustrant la gravité de la situation.
Le poids économique du secteur du bâtiment et du génie civil est passé de 17% en 2014 à seulement 3,9% au deuxième trimestre 2023. Cette décadence a également des répercussions sur l’emploi, avec une perte annuelle d’environ 50 mille postes attendue pour 2023.
La crise ne touche pas seulement les acteurs locaux. Des investissements étrangers massifs, évalués à six milliards d’euros, sont paralysés, laissant des projets inachevés et bloqués.
Plusieurs facteurs expliquent cette crise, notamment l’impact de la pandémie de Covid-19, l’inflation galopante, le manque d’investissements, les arriérés de paiements, et la surtaxation. La rareté de certains produits, l’augmentation des coûts de construction, la hausse des prix des matériaux et de la main-d’œuvre ont également contribué à cette situation difficile.
Face à cette crise, les experts appellent l’État à prendre des mesures courageuses pour relancer le secteur. Retarder l’application de la TVA de 19% dans la promotion immobilière, appliquer un taux préférentiel au secteur de l’immobilier, et libéraliser le commerce du fer de construction sont parmi les recommandations.
L’économiste britannique John Maynard Keynes suggérait que l’embauche de chômeurs pour des projets socialement utiles pouvait stimuler l’économie. De manière similaire, l’État tunisien pourrait jouer un rôle crucial en prenant des décisions judicieuses sans nécessiter d’investissements massifs.
Alors que le secteur immobilier en Tunisie est à un point de rupture, des décisions stratégiques pourraient inverser la tendance, créant de la croissance, de l’emploi, et apportant des ressources cruciales à l’État. Le moment d’agir est maintenant.