Contrebande de devises en Tunisie : quelles peines ?

Les opérations d'importation et d'exportation de devises en Tunisie sont soumises à la loi sur les changes.

Mohamed Ali ben ahmed - journaliste

Les opérations d’importation et d’exportation de devises en Tunisie sont soumises à la loi sur les changes.

Elles sont également régies par la loi fondamentale numéro 26 du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, amendée par la loi fondamentale numéro 9 du 23 janvier 2023.

Cette loi fondamentale vise à lutter contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, ainsi qu’à les prévenir, conformément aux normes internationales et dans le cadre des accords internationaux, régionaux et bilatéraux ratifiés par la République de Tunisie.

Selon son deuxième chapitre, la loi stipule que les autorités publiques chargées de mettre en œuvre cette loi doivent respecter les garanties constitutionnelles et les traités internationaux, régionaux et bilatéraux ratifiés par la République de Tunisie dans le domaine des droits de l’homme, de la protection des réfugiés et du droit international humanitaire.

Elle contient également des définitions de plusieurs termes tels que le terrorisme, la réglementation, la criminalité transnationale, les personnes bénéficiant d’une protection internationale, les actifs, le gel, et d’autres.

Les infractions et les sanctions concernant la contrebande de devises et le blanchiment d’argent

Le texte décrit les dispositions légales en Tunisie concernant le blanchiment d’argent. Selon la loi, le blanchiment d’argent est défini comme tout acte délibéré visant, par quelque moyen que ce soit, à justifier de manière mensongère l’origine illicite de fonds, qu’ils soient mobiles, immobiliers ou issus de revenus, directement ou indirectement, provenant de tout crime ou délit passible d’une peine d’emprisonnement de trois ans ou plus et de tout délit puni par le Code des douanes.

L’article 93 prévoit que le blanchiment d’argent est puni d’une peine d’emprisonnement d’un à six ans et d’une amende de cinq mille à cinquante mille dinars, cette amende pouvant être augmentée jusqu’à la moitié de la valeur des fonds blanchis.

La peine est de cinq à dix ans d’emprisonnement et d’une amende de dix mille à cent mille dinars si le crime est commis en récidive et dans d’autres cas prévus par la loi.

L’article 97 stipule que l’autorité judiciaire compétente est chargée de saisir les fonds concernés par le blanchiment ainsi que ce qui a été obtenu, directement ou indirectement, du crime de blanchiment d’argent, et le tribunal ordonne leur confiscation au profit de l’État. Les fonds saisis sont obligatoirement déposés sur un compte spécial ouvert au nom du Trésor public tunisien auprès de la Banque centrale. En l’absence de saisie effective, une amende équivalant à la valeur des fonds blanchis est prononcée à titre de confiscation.

Le tribunal peut également interdire à la personne condamnée, selon les cas, d’exercer les fonctions ou activités professionnelles ou sociales qui lui ont permis de faciliter une ou plusieurs opérations de blanchiment d’argent, pour une durée n’excédant pas cinq ans.

Ces personnes sont tenues de garantir la protection de leurs clients

-Le texte de la loi fondamentale concernant la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent stipule dans son article 107 que les personnes suivantes doivent, chacune dans les limites de leur domaine de compétence et conformément aux règles de leur profession, prendre des mesures de diligence raisonnable à l’égard de leurs clients :

-Les banques et les institutions financières.
-Les institutions de microfinance.
-La Poste nationale.
-Les courtiers en bourse et les sociétés de gestion de portefeuille pour le compte de tiers.
-Les bureaux de change.
-Les compagnies d’assurance et de réassurance, ainsi que les courtiers en assurance.
-Les professions et activités non financières spécifiques suivantes :

-Les avocats, les notaires et autres professionnels du droit, les experts-comptables, les comptables, les rédacteurs de contrats dans la gestion foncière et les autres professionnels qualifiés en fonction de leurs tâches, lorsqu’ils préparent ou réalisent des transactions ou des opérations pour le compte de leurs clients concernant l’achat et la vente de biens immobiliers ou commerciaux, la gestion des fonds et des comptes de leurs clients, ou la préparation des contributions pour la création d’entreprises et d’autres personnes morales, ou la gestion, l’exploitation ou le contrôle de ces entités, ou pour fournir des conseils à leur sujet, ou pour établir des personnes morales ou des arrangements juridiques, ou pour les exploiter ou les gérer.

-Les agents immobiliers lorsqu’ils réalisent des opérations pour le compte de leurs clients liées à l’achat et à la vente de biens immobiliers.

-Les bijoutiers, les négociants en pierres précieuses et autres objets de valeur, ainsi que les directeurs de clubs de jeu dans leurs transactions avec leurs clients dont la valeur atteint ou dépasse un montant fixé par décision du ministre des Finances.

La déclaration des fonds à l’entrée ou à la sortie

Le chapitre 114 de la loi fondamentale stipule que toute personne transportant une somme en devises étrangères ou des instruments négociables dont la valeur dépasse un montant fixé par décision du ministre des Finances doit en faire la déclaration aux autorités douanières lors de l’entrée, de la sortie ou du transit.

De même, toute conversion d’une devise étrangère en dinar tunisien ou vice versa doit être déclarée aux services de la banque centrale par les bureaux de change pour chaque montant transféré.

Les intermédiaires agréés et les agents secondaires de change doivent vérifier l’identité de toute personne effectuant des transactions en devises étrangères dont la valeur dépasse un montant fixé par décision du ministre des Finances, et informer la Banque centrale tunisienne.

L’article 136 prévoit une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et une amende de cinq mille à cinquante mille dinars pour toute personne délibérément réticente à déclarer conformément aux dispositions de l’article 125 de cette loi.

En cas de non-déclaration délibérée parmi les entités morales mentionnées à l’article 107 de cette loi, la sanction est une amende équivalant à la moitié du montant non déclaré.

L’article 138 prévoit une peine d’emprisonnement d’un mois à cinq ans et une amende de trois mille à trois cent mille dinars pour toute personne réticente à déclarer conformément au premier paragraphe de l’article 114 de cette loi.

Le montant de l’amende peut être multiplié par cinq en cas de récidive.

Ces sanctions pécuniaires s’appliquent également aux intermédiaires agréés et aux agents secondaires de change ainsi qu’aux bureaux de change qui refusent de se conformer aux obligations de déclaration énoncées dans le deuxième paragraphe de l’article 114 de cette loi, selon l’article 139.

Les dispositions relatives aux transferts électroniques

Le chapitre 140 stipule que les personnes mentionnées à l’article 107 de cette loi, ainsi que les dirigeants, représentants, employés et partenaires des entités juridiques qui ont été tenus responsables de violation ou de non-conformité, sont passibles d’une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de cinq mille à dix mille dinars.

La peine est de trois mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de mille à cinq mille dinars si une relation commerciale est établie, poursuivie ou si une transaction est effectuée équivalant à une valeur ou dépassant un montant fixé par décision du ministre des Finances, ou impliquant des transferts électroniques, sans se conformer aux obligations suivantes :

Vérifier, sur la base de documents officiels et d’autres documents provenant d’entités indépendantes fiables, l’identité des clients habituels ou occasionnels et enregistrer toutes les informations nécessaires pour les identifier.

-Vérifier, sur la base de documents officiels et d’autres documents provenant d’entités indépendantes fiables, l’identité du bénéficiaire de l’opération ou de la transaction et la qualité de la personne autorisée à agir pour son compte, la composition de la personne morale et sa forme juridique, son siège social, la liste des actionnaires ou des partenaires, l’identité de ses dirigeants et des personnes ayant la qualité d’engagement envers elle, obtenir du client des informations sur l’objet et la nature de la relation commerciale, refuser d’ouvrir le compte ou d’établir une relation commerciale ou de la poursuivre ou de conclure l’opération ou la transaction si les données qui y sont liées sont ambiguës ou insuffisantes.

Cela n’empêche pas la poursuite des entités juridiques qui sont passibles d’une amende équivalant à cinq fois le montant de l’amende prévue pour l’infraction initiale.

Loi sur les changes : montants soumis à déclaration

La douane tunisienne a indiqué sur son site officiel que, conformément aux dispositions relatives à la déclaration à l’importation et à l’exportation, il est possible d’importer des devises sans aucune limite de montant, que ce soit sous forme de billets de banque, de chèques de voyage, de chèques bancaires ou postaux, de lettres de crédit, de cartes de crédit, ou tout autre moyen de paiement.

Il a été précisé que la déclaration auprès des services douaniers à l’entrée, à la sortie ou en transit est requise pour toute opération d’importation ou d’exportation de devises équivalant ou dépassant la somme de 20 000 dinars tunisiens, conformément à la décision du ministre des Finances en date du 24 juillet 2019, relative à la modification de la décision du 1er mars 2016 portant fixation des montants stipulés dans les articles 100, 107, 108, 114 et 140 de la loi fondamentale n° 26 de l’année 2015 en date du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent.

Chaque déclaration est soumise à l’acquittement d’un droit de timbre fiscal d’une valeur de 10 dinars, à régler au même bureau et à apposer sur le document de déclaration avec le cachet du bureau.

La douane a également souligné que les voyageurs non résidents en Tunisie ne peuvent pas réexporter un montant dépassant l’équivalent de 5 000 dinars tunisiens en espèces, à moins qu’ils n’aient effectué, à leur entrée en territoire tunisien, une déclaration d’importation des devises en leur possession et qu’ils aient obtenu à cet égard une autorisation écrite indiquée par les services douaniers à l’entrée.

Les voyageurs non résidents désireux d’ouvrir un compte en devises étrangères ou en dinars convertibles doivent déclarer les montants importés aux services douaniers à leur entrée.

Les non-résidents ne peuvent pas exporter l’équivalent ou plus de 30 000 dinars tunisiens importés et déclarés à l’entrée. En cas de dépassement du montant de 30 000 dinars tunisiens, le réexportation doit obligatoirement être effectuée par l’intermédiaire des intermédiaires agréés conformément aux procédures en vigueur concernant les comptes des non-résidents.

La durée de validité de la déclaration d’importation de devises étrangères est de trois mois à compter de la date d’entrée du voyageur non résident en Tunisie et cette déclaration ne peut en aucun cas être utilisée pour plus d’un voyage, sachant que la déclaration écrite d’importation de devises est personnelle et non transférable, selon la même source.

Un nouveau projet de loi

Le Conseil des ministres, réuni le jeudi 14 mars 2024 sous la supervision du Premier ministre Ahmed Al-Hashani, a approuvé un projet de loi portant révision du Code des changes.

Le projet de loi comprend 6 mesures importantes, notamment la révision du principe de la résidence, l’autorisation de certaines transactions financières et la révision des dispositions légales relatives aux sanctions internationales, le développement du système de change manuel, la création de la profession de changeur et des amendes.

Le gouvernement a déclaré dans un communiqué que “le projet de Code des changes constitue une révolution législative et une avancée historique dans le domaine du change et des finances en Tunisie”. Cette étape intervient deux semaines après l’approbation du projet de loi sur la lutte contre l’exclusion financière, actuellement en discussion au Parlement, qui vise à renforcer les services financiers numériques et à inclure les catégories défavorisées dans le financement, ainsi qu’à renforcer la surveillance des transactions suspectes.

Le projet de loi vise à améliorer le climat des affaires et à simplifier les procédures pour éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les entreprises locales dans leurs relations financières et commerciales avec l’étranger.

Commentaires

commentaires

Partagez
Quitter la version mobile