La dette publique tunisienne : un état des lieux inquiétant
L’Observatoire Tunisien de l’Économie (OTE) a récemment présenté une étude approfondie sur l’évolution de la dette publique en Tunisie. Cette analyse met en lumière les composantes de la dette, qu’elles soient intérieures ou extérieures, ainsi que la diversité de ses créanciers et la répartition de ses créances. Les données proviennent de l’annexe 7 de la loi de finances 2024, fournissant un aperçu essentiel de la situation financière actuelle du pays.
Une augmentation fulgurante de la dette
L’étude intitulée “L’annexe 7 de la loi de finances 2024 : une analyse de l’évolution préoccupante de la dette tunisienne” révèle une croissance alarmante de l’endettement. Sur une période de 13 ans, la dette publique a quintuplé. En fin d’année 2022, la dette s’élevait à 114,864 millions de dinars (environ 36,8 milliards de dollars). Les prévisions pour 2023 indiquent qu’elle atteindra 126,501 millions de dinars, soit 79,8 % du PIB. Une hausse supplémentaire est prévue pour 2024, atteignant 139,976 millions de dinars, ce qui reflète une tendance préoccupante.
Une dépendance croissante aux financements intérieurs
Pour 2024, le budget de l’État, fixé à 77,868 millions de dinars, repose sur des ressources propres et des emprunts. En examinant la situation entre 2011 et 2023, l’étude souligne que la majeure partie de l’endettement a été financée par l’extérieur, représentant environ 60 %. Cependant, le besoin croissant de financement a conduit à une intensification des emprunts intérieurs depuis 2020, en raison de conditions de financement extérieur de plus en plus strictes. L’exécution provisoire des budgets de 2023 a révélé un écart significatif entre les ressources extérieures anticipées et celles réellement mobilisées.
Un service de la dette à des niveaux sans précédent
L’analyse montre que, de 2010 à 2023, le principal de la dette a constitué en moyenne 68 % du service de la dette publique, avec une augmentation préoccupante de 53 % entre 2019 et 2022. En termes de PIB, le service de la dette est passé de 5,1 % en 2015 à 10 % en 2022, et les prévisions pour 2024 indiquent une hausse à 14,08 %. En valeur absolue, le service de la dette a été multiplié par six en treize ans, passant de 3 616 millions à 20 734 millions de dinars.
La dominance de l’euro dans la dette extérieure
En 2022, 18,6 % de la dette extérieure était bilatérale, tandis que la dette multilatérale représentait 60 % du total. Les principaux créanciers incluent l’Allemagne, la France et d’autres nations. De 2019 à 2023, la Tunisie a également contracté des emprunts sur les marchés financiers internationaux, avec des niveaux significatifs. En 2022, l’euro dominait le portefeuille de la dette extérieure, représentant 59,8 %. Bien que la prévision pour 2024 indique une légère baisse à 56,4 %, la structure demeure relativement stable.
Vers une refonte stratégique de la politique monétaire
Malgré l’analyse détaillée, l’étude pointe du doigt le glissement du dinar comme une cause majeure d’augmentation de la dette. Elle préconise une révision de la loi n°35 de 2016, qui régit l’indépendance de la Banque centrale, afin qu’elle joue un rôle actif dans la stabilisation monétaire et la promotion du développement économique. Les recommandations incluent une participation accrue de la Banque centrale dans la mise en œuvre d’un modèle économique plus souverain et mieux intégré au pouvoir exécutif.
Ce rapport fournit une vue d’ensemble essentielle pour comprendre les défis financiers auxquels la Tunisie est confrontée et les mesures nécessaires pour tenter de regagner le contrôle sur la dette publique.