Le président Kaïs Saïed a récemment suscité l’attention en visitant d’anciens locaux de la Société tunisienne d’industrie laitière (Stil), soulignant l’absence de pénurie de lait à l’époque de cette entreprise publique. Cette nostalgie apparente s’accompagne de critiques envers la politique de privatisation, attribuant les maux actuels de la Tunisie à cette évolution économique.
Cependant, une analyse approfondie révèle une réalité plus complexe. L’évocation par Kaïs Saïed d’une époque où tout fonctionnait à merveille grâce à des entreprises publiques efficaces nécessite une mise en perspective historique. La Tunisie des années 1960, avec une population de 4,2 millions d’habitants, était très différente de l’actuelle Tunisie de 2023, comptant 11,8 millions d’habitants et accueillant environ sept millions de touristes.
À l’époque, la filière laitière était rentable de l’agriculteur au consommateur, sans nécessiter des subventions de l’État dépassant 50% du prix actuel du lait. Cependant, la Stil, malgré son statut de monopole, était critiquée pour des prix excessifs et une offre limitée de produits dérivés.
La libéralisation du marché dans les années 1990 a ouvert la voie à une concurrence accrue, offrant aux consommateurs une variété de produits à des prix compétitifs. La Stil, en dépit de son statut bénéficiaire, a accumulé des pertes considérables, entraînant sa liquidation en 2005. Ses actifs ont été cédés pour renflouer ses caisses, soulignant les difficultés des entreprises publiques à s’adapter à un environnement concurrentiel.
La nostalgie de Kaïs Saïed pour la Stil des années 1960 doit être confrontée à la réalité économique. La privatisation n’est pas nécessairement le coupable, mais plutôt une réponse aux défis posés par des entreprises publiques inefficaces, surdimensionnées et mal adaptées à la concurrence.
La Tunisie contemporaine doit envisager des solutions pragmatiques pour résoudre les problèmes actuels du secteur laitier. Encourager la concurrence, subventionner équitablement les acteurs du marché et promouvoir des politiques agricoles durables peuvent être des avenues à explorer.
Dans un monde où l’efficacité économique prime, les modèles du passé ne peuvent guider l’avenir. La Tunisie, comme de nombreux pays, doit trouver un équilibre entre tradition et modernité pour prospérer dans un environnement économique dynamique.
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