Le Maroc délaisse le français pour l’anglais : une réorientation linguistique progressive

Hamdi Zaafouri - Rédacteur en chef

Le Maroc fait actuellement un pas significatif vers l’anglais en généralisant son enseignement au niveau du collège. Selon une circulaire émise par le ministère de l’Éducation, cette décision marque un changement majeur dans l’orientation linguistique du pays, tout en suivant la tendance déjà entamée par d’autres pays maghrébins, dont l’Algérie.

L’enseignement de l’anglais, la langue de Shakespeare, est déjà intégré au programme scolaire marocain à partir de la troisième année de collège dans les établissements publics. Cependant, cette réforme le généralisera encore davantage. L’anglais sera enseigné dès la première année de collège, avec un taux de couverture de 10%, puis dans la deuxième année, avec un taux de 50%, dès l’année prochaine.

D’ici 2024-2025, le ministère de l’Éducation vise à une couverture totale de 100% en deuxième année de collège, permettant ainsi à tous les élèves de bénéficier de 2 heures d’anglais par semaine, quel que soit leur niveau. En plus des cours, des ressources numériques seront mises à disposition des élèves et des enseignants, et une commission centrale de pilotage supervisera la mise en place de cette réforme.

Cette réorientation vise à introduire progressivement et équilibrément un “pluralisme linguistique”, conformément à la circulaire.

Le français en perte de vitesse : le défi de la concurrence de l’anglais

La généralisation de l’enseignement de l’anglais au Maroc signale également une compétition accrue avec la langue française. En effet, le français est enseigné comme première langue étrangère dès l’école primaire au Maroc.

Cette évolution fait écho à un précédent changement intervenu en Algérie en 2022, lorsque le président Abdelmadjid Tebboune a décidé d’introduire l’anglais dès le primaire, également en concurrence directe avec le français.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette transition. Le Maroc n’a pas d’histoire coloniale britannique, mais l’anglais est largement reconnu comme une langue étrangère. Selon Houssine Soussi, professeur de langue et de communication à l’École nationale de commerce et de gestion de Dakhla, l’anglais est perçu comme une langue neutre, tandis que le français peut être associé au passé colonial du pays.

Une étude réalisée par le British Council en 2021 a révélé que 30% de la population marocaine parlait couramment l’anglais. En comparaison, 34% des Marocains maîtrisent le français, principalement au sein de l’intelligentsia.

Le président français Emmanuel Macron a également noté en début 2023 que la “francophonie s’affaiblissait depuis une quinzaine d’années”, soulignant les défis auxquels la langue française est confrontée.

Cette réorientation linguistique vers l’anglais au Maroc représente un changement significatif dans le paysage éducatif et reflète les évolutions de la langue à l’échelle mondiale. Elle soulève également des questions sur la manière dont ces changements affecteront la culture et l’identité marocaines à l’avenir.

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