Après une longue série de négociations entre la Tunisie et la Libye, les médias locaux libyens ont annoncé de manière inattendue le report de la réouverture du poste frontalier de Ras Jedir avec la Tunisie, quelques minutes seulement avant que la décision ne soit mise en œuvre.
Il est important de noter que le ministère de l’Intérieur du gouvernement d’Union nationale avait annoncé dimanche dernier que le poste frontalier serait rouvert ce lundi, en présence de responsables des deux côtés, tunisien et libyen, suite à la signature d’un accord de sécurité entre les deux parties (après un premier report du 20 au 24 juin).
Pour comprendre les raisons et les circonstances de la poursuite de la fermeture du côté libyen, “Tounibusiness” a contacté le président de l’Observatoire tunisien des droits de l’homme, Mostapha Abdelkebir, qui a confirmé la véracité des informations concernant le nouveau report.
Il a indiqué qu’il s’attendait à cette décision, compte tenu de la fragilité de l’accord entre les deux parties.
Crise de la fermeture du poste-frontière de “Ras Jedir” : un conflit interne libyen exacerbé par les tensions entre le gouvernement d’Unité et les Amazighs de Zouara
Abdelkebir a souligné que, contrairement à la version libyenne qui accuse la Tunisie d’être à l’origine de cette crise, le véritable problème est avant tout interne à la Libye.
Dans ce contexte, notre interlocuteur a indiqué que le Haut Conseil des Amazighs de Libye a publié un communiqué dénonçant la discrimination raciale à l’encontre des agents des douanes originaires de la ville de Zouara, qui ont été déplacés vers d’autres postes-frontières.
Le Conseil décrit les tentatives répétées du gouvernement d’unité nationale, dirigé par Abdel Hamid Dbiba, de renforcer son contrôle sur le poste-frontière et de déloger le conseil militaire de Zouara, ainsi que les “actions” du ministre de l’Intérieur, Imad Trabelsi, comme “imprudentes et provocatrices, visant à régler des comptes tribaux”.
Il est à noter que des hommes armés de Zouara ont pris le contrôle du côté libyen du poste-frontière vendredi dernier.
Des témoins oculaires ont rapporté que des éléments de la milice d’intervention rapide de Zouara ont envahi le poste de Ras Jedir et pris d’assaut les bureaux récemment aménagés par le ministère de l’Intérieur.
Les forces affiliées au gouvernement d’unité nationale ont dû se retirer de leurs positions et fuir vers la capitale, Tripoli.
Selon des sources locales, des éléments armés amazighs ont rétabli leur contrôle sur le côté libyen du poste-frontière, obligeant les autorités de Tripoli à renouer les négociations avec eux ou à accepter la domination des milices locales, comme c’était le cas depuis la chute du régime en 2011.
Il est important de noter que le passage est complètement bloqué depuis le 19 mars dernier, après des affrontements limités entre les milices de Zouara et une force affiliée à la “Direction de l’application de la loi”, envoyée par Trabelsi pour prendre le contrôle du poste-frontière.
Le poste de Ras Jedir est situé à environ 60 kilomètres de Zouara, à l’ouest de la Libye, et à 175 kilomètres de Tripoli, la capitale.
Il se trouve à environ 32 kilomètres de la ville tunisienne de Ben Guerdane, et des centaines de camions et des milliers de citoyens y transitent quotidiennement.
Des pertes considérables
La fermeture continue du poste-frontière a causé des perturbations majeures dans les échanges commerciaux entre les deux pays, ainsi que dans le mouvement des voyageurs, entraînant une congestion inquiétante au poste-frontière de Dhehiba-Wazen.
La prolongation de cette fermeture représente une perte économique et commerciale significative. En 2023, le volume des échanges commerciaux via ce poste a atteint environ 976 millions de dollars, soit une augmentation d’environ 300 millions de dollars par rapport à 2022.
Ce passage est également crucial pour les citoyens libyens se rendant en Tunisie pour des raisons médicales, touristiques ou commerciales, selon des rapports locaux.
Le poste-frontière de Ras Jedir est un véritable poumon économique pour les deux pays. Un rapport de la Banque mondiale estime que les échanges commerciaux qui y transitent représentent environ 1540 millions de dinars par an.
Selon le même rapport, les échanges avec la Libye comprennent toutes sortes de biens, notamment des produits alimentaires, des carburants, des produits chimiques agricoles, entre autres.