Les relations commerciales entre la Tunisie et la Russie ont connu une progression importante récemment, notamment après la guerre russo-ukrainienne. En effet, Moscou, selon des experts, cherche de nouveaux partenaires en Afrique afin de créer de nouveaux marchés pour ses produits, à la suite des sanctions occidentales.
La présence russe en Tunisie s’est renforcée à travers les visites ministérielles mutuelles et les accords discutés lors de ces visites, notamment en ce qui concerne les céréales.
La présence russe en Afrique
Selon des données produites par le ministère du Développement économique russe et publiées par le quotidien d’affaires russe “RBK”, le volume des échanges commerciaux entre la Russie et les pays africains a augmenté de 43,5 % au cours des huit premiers mois de 2023, atteignant 15,5 milliards de dollars.
Le bureau de presse du ministère du Développement a précisé que les cinq premiers pays africains en termes de volume d’échanges commerciaux avec la Russie pendant la même période étaient l’Égypte, suivie de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie et de la Libye.
À noter que la part globale de ces pays dans le produit intérieur brut mondial en 2022 s’est élevée à 1,8 %, l’Égypte étant en tête avec 1 %, selon les estimations du Fonds monétaire international.
Le ministre russe du Développement économique, Maxim Reshetnikov, a déclaré que l’Afrique possède des ressources riches mais manque de technologies de production. C’est pourquoi le continent africain a besoin de la technologie russe pour exploiter les champs et produire des ressources naturelles, a-t-il ajouté.
“Le rythme accéléré vers la civilisation crée une demande pour notre expertise dans la construction de logements, de routes, de chemins de fer, de ports, de pipelines et installations”, a affirmé le ministre.
Les importations tunisiennes de pétrole russe
Un rapport publié par la plateforme “Enkorr”, spécialisée dans les informations d’énergie, a révélé que les exportations de Moscou de produits pétroliers en avril 2024 ont augmenté de 36% par rapport à la semaine précédente, atteignant plus de 821 tonnes, la plupart de ces quantités étant expédiées depuis les ports de Primorsk, Novorossiysk et Saint-Pétersbourg.
La Tunisie a importé 46 000 tonnes de produits pétroliers russes, tandis que les importations du Maroc ont totalisé 76 000 tonnes de produits pétroliers russes, alors que le Brésil est en tête de liste des importateurs avec plus de 300 000 tonnes.
Les importations tunisiennes de céréales russes
Les importations tunisiennes de céréales russes ont également augmenté au cours de la première moitié de la saison 2023/2024, avec 278 000 tonnes de céréales, enregistrant une augmentation d’environ 48 % par rapport à l’année précédente.
Les statistiques russes ont indiqué que la Tunisie a importé 412 000 tonnes de céréales de ce pays.Environ 66 % des importations étaient du blé tendre, tandis que le reste était du blé dur.
L’échange commercial entre les deux pays a multiplié
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a annoncé en décembre 2023, après sa rencontre avec le président de la République Kaïs Saïed, que les neuf premiers mois de 2023 avaient enregistré une augmentation du volume des échanges commerciaux entre la Tunisie et la Russie, triplant pour atteindre 1.5 millards de dollars.
Il a ajouté qu’un accord avait été conclu ce jour là pour développer la coopération dans plusieurs autres domaines, en particulier le domaine agricole, après l’intérêt exprimé par le côté tunisien pour les approvisionnements en blé russe, ainsi que l’accélération de la mise en œuvre de l’accord sur l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire.
Il a également confirmé un intérêt réciproque entre les deux pays pour la coopération dans les technologies modernes et l’exploration spatiale, annonçant que l’année prochaine connaîtrait le lancement du deuxième satellite dans le cadre de l’accord conclu entre deux sociétés russe et tunisienne pour produire et lancer cinq nouveaux satellites.
En ce qui concerne la coopération dans le domaine de la santé, Lavrov a déclaré que ses perspectives étaient prometteuses, surtout que la Tunisie était l’un des premiers pays à avoir approuvé le vaccin russe contre le coronavirus “Spoutnik”.
Pour sa part, le président de l’Association d’amitié tuniso-russe Fathi Achouch a souligné que le volume des échanges commerciaux entre les deux parties avait connu une évolution au cours des dernières années, atteignant 1,2 milliard de dollars au cours des six premiers mois de 2023.
Les importations tunisiennes ont augmenté au cours des dix premiers mois de 2023 de 67 % par rapport à la même période en 2022.
Les céréales, les engrais, le pétrole brut et le gaz naturel sont parmi les principales importations tunisiennes de Russie, tandis que la Tunisie exporte des fruits, des légumes et des produits transformés issus de produits agricoles.
La Tunisie n’est pas une passerelle vers l’Afrique pour la Russie, mais…
Le diplomate et ancien ministre des Affaires étrangères Ahmed Ounis a affirmé dans une déclaration à “Tunisie Business” aujourd’hui, mardi 7 mai 2024, que la Russie ne considère pas la Tunisie comme une passerelle vers l’Afrique dans sa quête de nouveaux marchés à la suite des sanctions occidentales qui lui ont été imposées, soulignant que la Russie entretient des relations directes avec plusieurs pays africains, notamment les pays du littoral africain, des relations distinctes, particulièrement après les coups d’État militaires survenus dans ces pays au détriment des relations avec l’Europe et l’Amérique.
Ounis a indiqué que les relations commerciales entre Moscou et Tunis ne sont pas nouvelles et étaient ordinaires, mais après la guerre avec l’Ukraine, elles ont pris une nouvelle dimension car toutes les exportations russes ont des implications différentes après les sanctions, soulignant que la Tunisie a besoin des céréales russes pour équilibrer sa balance commerciale, selon ses termes.
En ce qui concerne l’approvisionnement en gaz et en pétrole, Ounis a déclaré que l’importation de la Russie est considérée complémentaire puisque la Tunisie dépend principalement du gaz algérien.
Concernant le tourisme, l’ancien ministre a déclaré que le nombre de touristes russes avait diminué en Tunisie et dans tous les pays, notamment en Turquie, qui est la première destination des Russes, en raison de la guerre qui a affaibli les capacités des citoyens à couvrir les frais de vacances et de voyage.
Il a ajouté que la Russie a regagné pleinement confiance en elle-même, ce qui signifie que le tourisme reprend sa place.
Possibilité d’obtenir des produits russes à des prix préférentiels
Ounis a exclu que la Tunisie puisse bénéficier de prix préférentiels pour l’importation de produits agricoles de Russie, affirmant que cela n’est pas probable.
Il a également suggéré que les échanges ne se fassent pas en monnaie mais par un échange entre les importations et les exportations, le reste étant payé en monnaie, mais pour les prix préférentiels, il a réaffirmé qu’ils ne sont pas probables.