Plusieurs pays, dont la Tunisie, aspirent à entrer sur le marché de la production d’hydrogène vert, avec l’ambition de devenir des leaders mondiaux dans ce secteur.
Ces nations investissent massivement dans la construction de plateformes extensibles pour répondre aux besoins des principaux marchés mondiaux.
La Tunisie s’efforce de s’approprier des projets et de former des alliances constructives pour développer des initiatives internationales à toutes les étapes de la production d’hydrogène.
Il convient de noter que l’investissement dans l’hydrogène vert représente l’avenir du monde actuel, surtout face à l’augmentation des coûts de l’énergie et à la diminution des sources traditionnelles.
Il est également important de souligner que l’hydrogène peut être utilisé directement ou transformé en ce qu’on appelle des dérivés, tels que l’ammoniac, le méthanol, le méthane synthétique et les carburants (comme le carburant d’aviation durable).
Vers la production de 8 millions de tonnes d’ici 2050
La Tunisie s’engage dans une voie ambitieuse pour devenir un acteur majeur dans la production d’hydrogène vert, avec un objectif de 8 millions de tonnes d’ici 2050.
Ce projet colossal, évalué à 40 milliards de dollars, repose sur l’abondance des ressources éoliennes et solaires du pays, lui permettant ainsi de rivaliser sur le marché des énergies propres.
Dans le cadre de cette initiative, la Tunisie a signé deux accords importants en l’espace d’une semaine pour la production d’hydrogène vert.
Le premier accord a été conclu avec un consortium d’entreprises françaises et autrichiennes, “TotalEnergies” et “Verbund”.
Ce partenariat vise à établir un projet produisant initialement 200 000 tonnes d’hydrogène vert, avec une capacité de 5 gigawatts d’énergies renouvelables d’ici 2030. À terme, la production pourrait atteindre un million de tonnes par an.
Selon le gouvernement tunisien, la première phase de ce projet est estimée à 8 milliards d’euros, tandis que la phase finale pourrait atteindre une valeur de 40 milliards d’euros.
Le deuxième accord a été signé avec l’Arabie Saoudite, représentée par la société “ACWA Power”. Cet accord vise à implanter cette technologie en Tunisie.
Le directeur de la société saoudienne a souligné, lors de la signature, que “la Tunisie dispose de caractéristiques naturelles favorables”, faisant référence à l’ensoleillement et à la proximité géographique avec l’Europe.
Bien que ces initiatives soient perçues positivement pour leur potentiel théorique de transformation énergétique, elles suscitent des réserves parmi les experts et les politiciens. Ces derniers expriment des préoccupations quant à la faisabilité et à l’impact de ces projets sur le long terme.
La Tunisie en route pour conquérir le marché européen
La Tunisie se prépare à s’emparer d’une part du marché mondial de l’hydrogène vert, notamment en Europe, dans les prochaines années.
Cette initiative intervient alors que de nombreux pays à travers le monde accélèrent leurs efforts dans cette course, bien qu’aucune date précise n’ait été fixée pour atteindre cet objectif.
Pour ce faire, la Tunisie, située en Afrique du Nord, a récemment engagé plusieurs projets en signant des accords de partenariat avec des entreprises arabes et internationales.
Ces accords visent à augmenter la capacité de production et à ouvrir de nouveaux marchés pour l’exportation.
Les prévisions indiquent que l’entrée sur le marché européen se fera via l’Italie, qui servira de porte d’entrée pour la Tunisie vers le marché de l’hydrogène vert en Europe.
Les deux pays ont récemment préparé le terrain pour une coopération dans le secteur de l’énergie en général, et des hydrocarbures en particulier.
L’Europe a identifié le projet de pipeline pour le transport de l’hydrogène vert de la Tunisie vers l’Europe comme l’un des projets prioritaires.
La ministre de l’Énergie, Fatma Chiboub, a déclaré que le pays avait adopté une stratégie énergétique nationale à l’horizon 2035, répondant aux exigences de la période actuelle.
Elle a fait cette annonce lors de sa participation à la troisième édition du Forum international vers le Sud, qui s’est tenu à Sorrente, en Italie, les 17 et 18 mai derniers.
Cette stratégie s’inscrit dans une vision globale énergétique, climatique, économique et sociale. Elle vise à passer des systèmes traditionnels de production et de consommation à un nouveau modèle énergétique durable, basé sur la diversification des sources d’énergie propre. L’objectif est de produire 35 % de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable d’ici 2030.
L’hydrogène vert remplace les sources d’énergie traditionnelles
Le spécialiste de la transition énergétique, Ali Kanzari, a déclaré au site “Sky News Arabia” que la stratégie nationale de production d’hydrogène vert permettrait de réaliser trois points de croissance économique et de créer 500 000 emplois.
Kanzari a souligné que l’hydrogène vert, dont la production sera l’objet de compétition entre de nombreux pays dans un avenir proche, représente un marché important pour la Tunisie.
Grâce à sa proximité géographique avec l’Europe, ce facteur réduira les coûts de transport de l’hydrogène vers les marchés européens.
En outre, la Tunisie bénéficie de conditions naturelles favorables telles que le vent, le soleil et l’eau de mer dessalinisable.
Chiheb Bouden, professeur à l’école d’ingénieurs et expert en production d’hydrogène vert, a affirmé que l’hydrogène vert constitue une grande opportunité pour la Tunisie de se positionner sur le marché des énergies, car le monde s’attend à ce que le pétrole et le gaz soient un jour remplacés par l’hydrogène vert.
Bouden a indiqué que la production d’hydrogène vert n’a encore débuté dans aucun pays et que les efforts actuels se concentrent sur des études, des projets et des essais.
La Tunisie s’est elle aussi engagée dans des préparations et des études approfondies en vue de l’élaboration d’un plan national pour l’hydrogène vert, ainsi que de la mise en place d’un cadre législatif et réglementaire approprié, tant pour la consommation nationale que pour l’exportation.
Bouden a estimé que la préparation à la production d’énergie propre représente une opportunité pour la Tunisie de soutenir l’industrie locale et d’exporter vers les pays consommateurs. Il prévoit une forte compétitivité entre les producteurs d’hydrogène propre sur le marché futur.
La production d’hydrogène vert épuise-t-elle les ressources en eau en Tunisie ?
La récente annonce de l’entrée de la Tunisie dans la course à la production et à l’exportation d’hydrogène vert a suscité de vifs débats dans un pays déjà confronté à une pénurie d’eau due à la hausse des températures et à la succession des années de sécheresse.
Des militants écologistes ont tiré la sonnette d’alarme sur les risques que pourraient poser les activités de production d’hydrogène vert sur les nappes phréatiques du pays.
Ils redoutent également une possible contamination ou une augmentation de la salinité des eaux marines, conséquence d’un recours massif à la désalinisation de l’eau de mer.
Cependant, des experts en énergies alternatives affirment que la production d’hydrogène vert n’affectera pas les nappes phréatiques. Selon eux, pour être qualifié de “vert”, l’hydrogène doit être produit à partir d’énergies renouvelables, sans compromettre les ressources en eau souterraine ni l’électricité destinée à la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG).
Ali Kenzari, expert en transition énergétique, souligne que les investisseurs dans l’hydrogène vert sont tenus de suivre des procédures respectueuses de l’environnement.
Les accords stipulent que les entreprises doivent gérer les résidus de la désalinisation de manière à ne pas les rejeter dans la mer, garantissant ainsi une production respectueuse de l’environnement.
De son côté, Saber Ammar, chercheur à l’Institut Transnational, critique la récente signature d’un protocole d’accord entre le gouvernement tunisien et un consortium de sociétés françaises et autrichiennes pour la production d’hydrogène vert.
Il estime que cet accord contient de nombreuses faussetés, notamment l’affirmation selon laquelle ces projets créeront des emplois, réduiront le déficit énergétique et stimuleront le développement.
Pour Ammar, la Tunisie risque de sacrifier ses ressources en eau et ses terres au profit des besoins énergétiques de l’Europe.
Ammar précise que la production d’hydrogène vert nécessitera l’utilisation d’environ 250 millions de mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de la consommation de 5 millions de personnes.
Il ajoute que ces projets ne favoriseront pas le développement local, car la Tunisie importera la technologie européenne et produira une matière première sans valeur ajoutée, laissant les bénéfices de l’innovation et de l’emploi aux laboratoires et usines de l’Union Européenne.
Le chercheur dénonce également l’utilisation de près de 500 000 hectares de terres pour la production d’hydrogène vert. Selon lui, ces terres, représentant deux fois la superficie du Grand Tunis, devraient plutôt être consacrées à des projets agricoles et à la production céréalière.
Ammar conclut que l’hydrogène vert répond avant tout à un besoin européen et ne constitue pas une priorité pour une Tunisie qui lutte déjà contre un déficit énergétique, une insécurité alimentaire et une crise hydrique.
Qu’est-ce que l’hydrogène vert ?
L’hydrogène, un élément naturel, ne se trouve pas sous forme pure dans la nature. Il est généralement présent dans la composition de l’eau et dans les énergies fossiles comme le pétrole et le gaz.
Actuellement, l’hydrogène est largement utilisé dans divers secteurs industriels. Cependant, l’hydrogène utilisé aujourd’hui dans le monde entier est principalement extrait des énergies fossiles non propres, ce qui libère des gaz non respectueux de l’environnement.
Cet hydrogène est connu sous le nom d’hydrogène gris.
L’hydrogène vert, en revanche, est produit par électrolyse de l’eau. Ce processus consiste à passer un courant électrique à travers l’eau, ce qui sépare les molécules d’eau en hydrogène et en oxygène.
Ainsi, l’hydrogène peut être extrait de l’eau, tandis que l’oxygène est libéré dans l’air.
Combien coûte la production ?
Une étude récente publiée par l’Institut de recherche néerlandais (TNO), financée par le ministère de l’Économie et du Climat, a révélé que le coût de production de l’hydrogène vert est très élevé par rapport aux sources d’énergie traditionnelles, selon les estimations initiales.
L’étude souligne l’existence d’un écart important entre le coût réel, basé sur les données des projets en cours de développement, et le coût cible nécessaire pour que l’hydrogène vert puisse concurrencer les autres formes d’hydrogène et les énergies propres. Cela est particulièrement pertinent étant donné que les pays de l’Union européenne ont fixé leurs objectifs pour la production locale et les importations d’ici 2030.
Selon cette étude, le coût de production de l’hydrogène vert dépasse les 13 euros par kilogramme, un chiffre largement supérieur aux estimations précédentes.
Les dernières estimations du coût de production variaient entre 5,98 et 12,14 euros par kilogramme.
Ces chiffres sont non seulement choquants pour les développeurs, mais aussi pour les gouvernements, les producteurs et les fabricants qui cherchent à réduire les émissions de carbone avec un carburant qui pourrait rivaliser fortement avec les combustibles fossiles.
Les chercheurs ont basé leurs estimations sur les données de 14 projets actuellement développés par 11 entreprises. Cependant, l’étude n’a pas divulgué la taille ou l’étendue de ces projets, ni l’identité des entreprises impliquées.
L’étude de l’Institut de recherche néerlandais a reconnu que le principal facteur contribuant à l’augmentation du coût de production de l’hydrogène vert est l’électricité, qui à elle seule coûte 7,26 euros par kilogramme.