Aujourd’hui, mercredi, les associations « Aswat Nissa » et « l’association Femmes et citoyenneté au Kef» ont publié leur rapport annuel sur les crimes de féminicides en Tunisie pour l’année 2023, intitulé « Féminicides : le phénomène ignoré ».
Composé de 25 pages, ce rapport aborde quatre axes principaux : le phénomène des féminicides : dimensions sociale et de genre, le cadre juridique des féminicides, des statistiques alarmantes et l’absence de politiques publiques efficaces, et enfin, les recommandations.
Phénomène des Féminicides : dimensions sociales et de genre
Dans le premier axe, le rapport souligne que le terme féminicide renvoie aux dimensions sociales et de genre de ce phénomène, en indiquant que les féminicides sont souvent perpétrés en raison du sexe ou du genre de la victime.
Le rapport affirme que les féminicides résultent souvent de la discrimination sexiste, de la domination masculine, de la violence domestique, des mariages forcés, des traditions culturelles et des pratiques médiatiques dégradantes pour les femmes, entre autres facteurs.
Selon le rapport, les féminicides sont souvent liés à d’autres crimes de violence comme les crimes d’honneur, la violence sexuelle, le viol, le harcèlement et d’autres crimes violents qui ciblent spécifiquement les femmes en raison de leur sexe.
Cadre Juridique des Féminicides
Le deuxième axe du rapport traite du cadre juridique des féminicides en Tunisie. Contrairement à de nombreux pays occidentaux et arabes, le concept de féminicide n’est pas reconnu comme un crime distinct dans la législation tunisienne, malgré les demandes de la société civile pour son inclusion dans les lois en vigueur.
Le rapport précise que le féminicide n’est pas reconnu comme un crime indépendant en Tunisie. La loi n° 58 de 2017 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes considère que l’atteinte à la vie d’une femme ou son meurtre sont des formes de violence physique, et non des crimes en soi.
Les associations « Aswat Nissa » et « l’association Femmes et Citoyenneté au Kef » appellent donc le législateur tunisien à adopter le terme féminicide comme un crime distinct, afin de reconnaître la spécificité de ce crime, de rendre justice aux victimes et de contribuer à réduire ces crimes tout en sensibilisant aux dangers de la violence à l’égard des femmes.
Statistiques alarmantes et absence de politiques publiques efficaces
Dans le troisième axe, le rapport rappelle certaines données publiées par le ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Seniors dans son rapport sur les caractéristiques socio-économiques des femmes victimes de féminicides et les profils des auteurs de ces crimes, couvrant la période de janvier 2018 au 30 juin 2023.
Selon le rapport du ministère, 69 féminicides ont été enregistrés dans 19 gouvernorats au cours de cette période. Les statistiques montrent que le nombre de féminicides a quadruplé entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2023.
Le rapport des associations critique le ministère de la Famille pour ne pas avoir publié des données détaillées reflétant la gravité du phénomène, et pour l’absence de campagnes de sensibilisation et de prévention. Il estime que le Ministère ne réagit pas de manière adéquate à l’augmentation des féminicides.
Les associations signalent également avoir enregistré 25 féminicides l’année dernière, dont 13 femmes tuées par leurs maris. Elles soulignent que ces crimes ne sont pas limités à une région spécifique mais touchent l’ensemble des gouvernorats.
Le rapport pointe aussi un manque de rigueur dans l’application de la loi, en raison de l’absence de réponse sérieuse aux demandes de protection des femmes victimes de violence lorsqu’elles s’adressent à la police ou au juge familial.
Recommandations
Enfin, dans le quatrième axe, le rapport propose une série de recommandations pour renforcer la collaboration entre les associations féministes et de défense des droits humains afin de mettre en place des plans d’action clairs pour lutter contre les féminicides, et garantir des efforts accrus de protection, de prévention et de sensibilisation.
Le rapport recommande également de créer davantage de refuges pour les victimes dans toutes les régions, de fournir les ressources humaines et matérielles nécessaires, de faciliter l’accès des victimes aux centres d’hébergement et de leur offrir le soutien nécessaire. Il appelle à l’abandon des procès-verbaux de non-exposition pour les femmes victimes de violence, estimant que ces documents sont « préventifs mais non protecteurs » et ne préviennent pas les féminicides.
Source : TAP