Vers une coopération renforcée entre le Sud et le Nord : la Tunisie comme point de rencontre
Comment les pays du Sud peuvent-ils optimiser leurs partenariats économiques tout en bénéficiant des relations avec les pays du Nord ? Quel rôle stratégique peut jouer la Tunisie pour servir de lien entre l’Afrique, l’Europe et le monde arabe ?
À l’heure où les relations internationales subissent des transformations profondes liées à des enjeux économiques et géopolitiques, les pays du Sud cherchent à solidifier leurs liens afin de se positionner plus efficacement sur la scène mondiale. La Tunisie, de par sa situation géographique privilégiée et son expérience en matière de partenariats, aspire à devenir un pilier dans l’établissement de ces nouvelles connexions.
Le forum "Salma Dialogue" : un tournant pour la coopération Sud-Sud
Pour la première fois, le forum économique "Salma Dialogue" se tient à Tunis les 23 et 24 janvier, mettant en lumière le thème de la "coopération Sud-Sud et triangulaire". Cet événement constitue une plateforme unique pour rassembler responsables politiques et experts venus du monde entier, dans le but de discuter des opportunités de collaboration entre l’Afrique, l’Amérique latine et l’Europe.
Amina Magouri, directrice exécutive du forum, souligne l’importance de cet événement : "Nous avons fait appel à ceux qui peuvent nouer des partenariats concrets." Elle met l’accent sur la nécessité d’élargir le dialogue et de renforcer la coopération entre les nations du Sud, en se concentrant sur des secteurs stratégiques tels que l’industrie, l’agriculture et le commerce.
Les statistiques sont révélatrices. Les échanges commerciaux entre l’Afrique et l’Amérique latine ne constituent que 2 % du commerce mondial, un chiffre jugé trop bas et nécessitant des efforts pour être amélioré. L’ambition est claire : établir des ponts entre des régions complémentaires pour répondre aux défis communs à travers une approche collaborative.
Un appel à l’action pour une coopération accrue
Lors d’une intervention par visioconférence depuis Davos, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, a exhorté les pays du Sud à adopter "des mesures collectives et coordonnées" pour renforcer le multilatéralisme et relancer la coopération régionale. Il a réaffirmé que la Tunisie, fidèle à son héritage de partenariats stratégiques, est prête à jouer un rôle actif via des initiatives telles que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA).
Le ministre a plaidé pour un soutien à la coopération triangulaire, soulevant la nécessité d’initiatives concrètes dans des domaines cruciaux tels que le financement et le transfert de technologies. Pour lui, il est essentiel que ces initiatives répondent aux besoins spécifiques des pays en développement, tout en respectant des valeurs fondamentales comme la souveraineté nationale et la solidarité entre partenaires afin de réduire les inégalités mondiales.
L’industrie automobile : un exemple de synergie potentielle
En lien avec le thème de la coopération triangulaire, l’industrie automobile tunisienne se présente comme un modèle de synergies possibles entre l’Afrique, l’Europe et le reste du monde. Myriam Elloumi, présidente de l’Association Tunisienne de l’Automobile (TAA), souligne que "dans ces temps critiques, il est crucial d’identifier nos partenaires et de faire face ensemble aux crises".
Elle note que plus de 80 % des exportations tunisiennes se dirigent vers l’Europe, en particulier vers l’Allemagne, et que les difficultés rencontrées par les entreprises européennes ont un impact direct sur la Tunisie. Toutefois, elle met en avant la capacité de l’industrie automobile tunisienne à innover, notamment dans le domaine des solutions logicielles et de l’intelligence artificielle. D’après elle, la Tunisie est bien positionnée pour devenir un hub compétent, capable de contribuer au développement de l’ensemble du continent africain.
Transformer les défis en opportunités
Myriam Elloumi insiste sur la nécessité de repenser la compétitivité et la diversification. Face à la concurrence asiatique, elle appelle à davantage de collaborations et à l’identification des synergies entre les industriels tunisiens, européens et allemands. "Lorsque les défis se multiplient d’un côté, il est essentiel de se repositionner. En renforçant le marché automobile africain, nous pouvons établir un partenariat véritablement bénéfique pour toutes les parties", affirme-t-elle.
Elle conclut que la coopération triangulaire, soutenue par des initiatives comme le forum "Salma Dialogue", est cruciale pour surmonter les crises actuelles. Avec les compétences, l’innovation et les ressources adéquates, la Tunisie peut jouer un rôle central dans cette dynamique, permettant ainsi de maximiser le potentiel de chacun et d’œuvrer pour un avenir durable.